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L'impossible amour -1-
30 octobre 2006

Chapitre 8 - Côte sauvage

L’été et les vacances approchaient à grands pas, et, bien sûr, je n’avais rien prévu. Même si les projets dont j’avais la charge tournaient au ralenti pendant l’été, je ne pouvais que rarement m’absenter plus d’une semaine.

Et si j’en avais eu la possibilité, en aurais-je eu l’envie ? Rien n’était moins sûr. Me faire rôtir côté pile puis côté face sur une plage bondée n’était pas pour moi. Je préférais les escapades de quelques jours venant rythmer les mois tout au long de l’année.

Hélène m’avait beaucoup parlé de la beauté sauvage de sa chère Bretagne. Sans conteste, l’attrait de cette contrée vient de sa côte : ici élevée et découpée dans le granit rose ou gris, là bordée de plages où le sable joue avec le flux et le reflux des marées.

C’est là que les Celtes, chassés toujours plus vers l’Ouest, trouvèrent le but de leur voyage, dans ce pays de bout du monde, qui leur ressemblait.

Il eût été inconcevable que je me rende en Bretagne sans en prévenir Hélène. Le pont du 14 juillet approchant, j’en saisis le prétexte pour lui faire part de mon projet. Hélène avait, pour la journée du 14, une réunion familiale prévue de longue date. Par contre, le lendemain, nous aurions tout le loisir de visiter la ville ensemble.

Mon programme se trouvait donc modifié. Redoutant la solitude par-dessus tout, à plus forte raison un jour férié, il me fallait trouver un compagnon. Je disposais là de l’occasion rêvée de reprendre contact avec Loïc.

Il n’avait rien de prévu pour le 14 juillet. Curieux de connaître cette Hélène dont je lui avais tant vanté la beauté, il accepté ma proposition de passer le week-end en Bretagne. La perspective de sa présence à mes côtés me ravit et me rassura.

Nous partîmes dans son coupé roadster SLK Mercedes, dont il m’invita à partager la conduite, pour que je puisse goûter au plaisir de conduire les cheveux au vent. Plutôt que d’emprunter l’autoroute, surchargée en ce long week-end, nous décidâmes de suivre les routes secondaires.

Loïc, qui connaissait ma passion pour la compétition automobile, ne fut pas surpris de m’entendre lui demander de faire un détour à hauteur du Mans, afin de rouler sur le bitume de la célèbre ligne droite des Hunaudières. J’étais enthousiaste :

-          Imagine les pilots, pendant les 24 heures, à presque 400 à l’heure !

-          J’imagine bien, dit Loïc. D’accord pour Le Mans. Mais ensuite on filera sur Quiberon. J’ai réservé une chambre au Domaine de Rochevilaine. C’est une amie qui m’en a parlé. C’est face à l’Océan. Un étape gastronomique régionale.

A l’approche du Mans, Loïc me céda le volant, comme promis. Je le reconnaissais bien dans ce geste, plein de gentillesse et d’affection à mon égard.

Nous avions toujours vécu d’excellents moments ensemble. Quand je m’étais installé à mon propre compte, Loïc m’avait apporté une aide financière appréciable, en complément de celle que je recevais de mes parents, en plus du prêt bancaire. De plus, Loïc m’avait quasiment logé et nourri pendant une année. Dans une chambre de son appartement, j’avais installé ma planche à dessin et mon ordinateur. Ce fut mon premier bureau.

Etre aux côtés de Loïc dans cette escapade en Bretagne m’enchantait. J’était dans un autre monde, où tout n’était que grâce, beauté et douceur.

Après une excitante montée de mon adrénaline dans la fameuse ligne droit du Mans, le reste du voyage se passa plus tranquillement, d’autant que la circulation se faisait plus dense, à mesure que nous approchions de la côte. A la fin de la journée, nous découvrions le cadre grandiose, au bout de la presqu’île de Quiberon, et face à la tumultueuse beauté de l’Océan, des manoirs anciens du Domaine de Rochevilaine.

Notre chambre était d’un goût très cosy, très anglais. Le vaste lit était recouvert d’un tissu de patchwork aux couleurs vives. La piscine, de forme trapézoïdale, bordée de confortables chaises longues, nous offrit une dernière détente, face à l’Océan. Après un dîner enchanteur, vint le moment du coucher. Impression indescriptible de constater que toute la fatigue accumulée ces dernières semaines s’estompait comme par magie.

Vers quatre heures du matin, la fraîcheur océane m’obligea à ramener la couverture de laine par-dessus le drap de coton fleuri. De l’index, j’effleurai ses douces lèvres. Lors de cette année que nous avions passée dans le même appartement, et compte tenu de l’étroitesse de son logement à l’époque, nous avions partagé le même lit et pris l’habitude de nous endormir main dans la main, l’un contre l’autre. Loïc se plaisir à dire :

-          C’est pour sceller notre amitié !

Ces souvenirs me revenaient à la mémoire lorsque je pris, en ce matin naissant, sa main dans la mienne en rapprochant mon corps du sien, avant de replonger doucement dans le sommeil.

C’est le toc-toc de la propriétaire des lieux, apportant le petit déjeuner, qui nous fit émerger de nos songes. D’un ton amusé, elle nous souhaita la bienvenue.

-          Nous avons un grand beau temps, aujourd’hui, dit-elle. C’est l’idéal pour profiter de la région.

En fait de petit déjeuner, ce fut un pantagruélique repas. Une fois repus, nous repoussâmes nos deux plateaux et tombâmes dans les bras l’un de l’autre, pour de tendres câlins.

Une heure plus tard, je rejetais le drap au pied du lit :

-          Loïc, il est déjà dix heures ! Je te rappelle que nous sommes venus dans cette contrée lointaine pour visiter, pas pour mollir !

L’après-midi, nous avons joué à cache-cache parmi les menhirs de Carnac et visité le tumulus Saint-Michel et ses chambres funéraires, avant de refaire route vers Quiberon.

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Après une visite de la ville et de son port, et une longue balade le long de la côte sauvage, sur les falaises déchiquetées, nous étions de retour à notre hôtel et installés à nouveau au bord de la piscine, face à l’immensité bleue-verte de l’Océan.

Des voiles de toutes les couleurs animaient la ligne d’horizon. Je me suis pris à rêver de voyages et d’Amérique.

Après un dîner à base de poisson et de crustacés, Loïc tint à m’offrir le champagne. Je me laissai faire sans qu’il eut besoin d’insister. C’est la tête un peu lourde que nous avons regagné notre chambre pour une douce nuit.

Au matin, un bruit que je pus identifier, le claquement d’une porte, peut-être, m’arracha à un rêve plein de couleurs et de sensations.

Dans mon rêve, je marchais sur une longue plage de sable fin brûlée par un soleil impitoyable. Le ciel était blanc et vide. Il en tombait une lumière chaude, insupportable, qui descendait le long de la falaise et venait faire briller chaque grain de sable. L’air vibrait, mais rien ne bougeait. J’entendis alors comme un long cheminement d’insectes et me retrouvai dans un endroit où la terre était rouge et l’herbe sèche. C’était le Massif des Maures.

Des guêpes folles dansaient dans les rayons du soleil. Je pensais que midi ne finirait jamais, quand soudain, me retrouvant sans transition sur un éperon rocheux d’où je dominais une ville que je pensai être Sainte-Maxime, ou les Issambres, ou peut-être Saint-Tropez, je vis que la lumière changeait peu à peu. La brise du soir se levait. La ville allumait ses feux pour la nuit.

Emergeant me mon sommeil, je ne savais plus où j’étais, ni dans quel pays, ni dans quelle chambre. La pression du corps de Loïc contre le mien me ramena à la réalité. J’étais bien, près de lui. Je ne voulais pas brusquer le cours du temps. Il se réveillait.

Il approcha ses lèvres des miennes. Mes mains commencèrent à s’activer sur sa peau hâlée.

Deux heures plus tard, nous roulions vers Rennes, cheveux au vent. J’avais appelé Hélène pour l’avertir de notre arrivée.

Elle nous avait donné rendez-vous devant le Parlement de Bretagne, ancien palais de justice construit au début du XVIIème siècle.

DSCN2940

Il avait brûlé récemment, et sa reconstruction était en cours. Hélène nous fit visiter la ville et ses bâtisses à colombage.

DSCN2946

A l’heure du dîner, elle nous proposa un repas chez ses parents, qu’elle avait prévenus de notre passage. La famille d’Hélène, bien qu’économe, avait le geste généreux et le sens de l’hospitalité.

Au moment du départ, il y avait comme un reproche sur le visage d’Hélène.

-          Nous nous sommes à peine parlé, aujourd’hui, dit-elle. Tu avais l’air distant, préoccupé.

-          Les soucis du travail, Hélène. Tu sais, j’ai du mal à déconnecter.

Elle m’entraîna à l’écart et noua ses bras autour de mon cou.

-          Ton ami est très sympa, dit-elle. Et très beau. On dirait un top model ! Il doit faire des ravages, dans les cœurs des filles.

Venant d’Hélène, le compliment était sincère, à peine ironique.

-          J’espère que vous avez été sage hier soir, dit-elle. Les occasions ne manquent pas, en été.

-          Promis, mon amour. Tu me connais, tu es la seule fille que j’aime, et tu demeureras l’unique.

Je lui dis que nous avions passé deux soirées tranquilles à l’hôtel, au bord de la piscine, ce qui sembla la rassurer. Je lui dis de remercier ses parents pour le délicieux dîner. Pendant que nous nous étreignions pour un tendre baiser sur le perron, mon regard croisa celui de Loïc, qui patientait au volant de sa voiture. Il nous regardait en souriant.

Après un dernier baiser à Hélène, je montai dans la voiture. Loïc démarra, et, tous les deux, nous agitâmes nos mains en guise d’adieu. Au premier feu, Loïc soudain éclata de rire.

-          Sympa, ta copine ! Tu comptes l’épouser ?

-          Peut-être, lui répondis-je, l’air volontairement évasif. Tu serais mon témoin.

Loïc me dévisagea :

-          Quand tu auras un moment, tu m’expliquera ce que tu désires, au juste. Je ne te comprends plus du tout. Je te savais imprévisible, mais là, en ce moment, à quoi tu joues ? Est-ce que tu le sais, toi-même, d’ailleurs ?

-          Je te raconterai tout ça une prochaine nuit.

Le feu passa au vert et Loïc redémarra. Je redevins plus sérieux.

-          C’est vrai, je ne sais plus très bien où j’en suis. J’aime sincèrement et de tout mon cœur une fille adorable, et je couche avec un garçon !

Loïc conduisait le visage sombre. Le voyage se poursuivit ainsi, dans un quasi silence, lui dans ses pensées, moi dans les miennes.

A Paris, il me déposa au pied de mon immeuble, et je dus rompre le silence, devenu plus que pesant.

-          J’ai passé un bon week-end, Loïc, merci d’avoir accepté de m’accompagner.

-          Tout le plaisir était pour moi. Merci à toi, dit-il. Mais j’ai envie de te revoir, Bertrand… si tu le désires, toi aussi.

J’approchai  mes lèvres des siennes et lui répondis par un long baiser. Au moment de saisir mon bagage dans le minuscule coffre arrière, je promis à Loïc de le rappeler très prochainement. Il démarra en trombe, et je restai debout sur le trottoir, mon sac de voyage à la main, incapable du moindre mouvement. Je me demandai ce que je cherchais vraiment, ce que je désirais. Si je continuais à jouer ainsi au chat et à la souris avec Hélène et avec Loïc, je les perdrais tous les deux. Je me retrouverais alors seul, abandonné, et c’est ce que je redoutais par-dessus tout.

La rumeur du boulevard Saint-Michel me ramena à la réalité, et je m’élançai dans l’escalier de mon immeuble. Une fois dans l’appartement, après avoir posé mon sac, je m’affalai sur mon lit. La soirée était très chaude, l’air semblait manquer, dans Paris.

La ville suait, dans la nuit étouffante. Je me levai pour prendre un bière et la boire à la rambarde de la fenêtre. La lune brillait dans la nuit claire d’été. J’entendais au loin le brouhaha des boulevards. Les grands cafés devaient être bondés, laissant déborder sur les trottoirs, dans la lumière blafarde de l’éclairage public et des néons publicitaires, une foule de parisiens et de touristes transpirants et assoiffés, tout comme moi.

La soif me tenait. Une soif que rien ne semblait pouvoir étancher, comme trop souvent lors des chauds étés citadins.

Après cette première bière, j’en ouvris une seconde, et m’allongeai sur mon lit, tellement la chaleur était intense. Un orage se préparait, à coup sûr.

Le sommeil, pourtant, finit par venir, sans prévenir, au moment où je me disais qu’il fallait que je remette un peu d’ordre dans mes idées, que je réorganise mes envies et mes pensées amoureuses, si c’était possible.

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